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La Bretagne et Hollande, le désamour ?

Francois-Hollande-BrestLa crise profonde qui traverse la Bretagne pourrait coûter cher à François Hollande, à cinq mois des élections municipales. Cette terre de gauche pourrait-elle désavouer celui qu’elle a en majorité porté pouvoir? Eléments de réponses.
Ils étaient quatorze ministres à s’être réunis en urgence le 17 octobre. A la sortie de ce conciliabule, le gouvernement annonce un pacte d’avenir pour la Bretagne : 15 millions d’euros débloqués et une salve de mesures pour les sites et salariés menacés, parmi lesquels les abattoirs Gad. Il fallait agir vite pour répondre à la colère de cette terre qui a voté François Hollande à 56,35% des voix à l’élection présidentielle, soit cinq points de plus que la moyenne française. « Cette pommade sur la plaie soulage mais ne guérit pas. Ça reste modeste par rapport à la menace qui pèse sur l’agroalimentaire », estime Jean-Jacques Monnier, spécialiste de l’histoire politique de la Bretagne.
En Conseil des ministres, le ministre breton Jean-Yves Le Drian a, selon L’Express, dressé un diagnostic sans ambiguïté : « En quarante ans de vie politique, je n’ai jamais vu un tel climat en Bretagne. » Le gouvernement compte d’autres ministres issus de la région, comme Stéphane Le Foll et Marylise Lebranchu. « L’enjeu du côté des élus socialistes va être de mettre le plus possible la pression sur le gouvernement pour qu’il sorte vite de cette crise et éteigne l’incendie », considère Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop.
L’écotaxe, « la goutte d’eau qui va faire déborder le vase »
Il faut dire que les quatre piliers de développement de la région – automobile, construction navale, agro-alimentaire et électronique – sont aujourd’hui ébranlés. La crise touche notamment les petites villes et le monde rurale. « Beaucoup de promesses qui allaient dans le sens du développement de la Bretagne n’ont pas été tenues. D’où cette forte déception », analyse Jean-Jacques Monnier.
L’écotaxe poids-lourds est l’exemple le plus criant. Certes, le gouvernement a accordé une ristourne sur la route nationale 164, axe principale de la région. Mais la mesure passe très mal auprès des Bretons. « On rajoute un coût qui n’existait pas auparavant. Cette goutte d’eau va faire déborder le vase. Elle diminue l’attachement des Bretons au gouvernement et à la politique présidentielle », prévient l’historien. La promesse n°56 du candidat socialiste de ratifier la charte européenne des langues régionales a elle aussi été oubliée. « Il y avait tout pour que François Hollande reste très populaire. Mais le réformisme modéré qu’il prônait n’a pas trouvé de concrétisation dans la politique du gouvernement », tranche Jean-Jacques Monnier.
Un recul « symbolique »
A cinq mois des municipales, l’exécutif à fort à perdre dans cette région où les grandes villes sont détenues par la gauche (Rennes, Nantes, Quimper, Lorient, Brest, Saint Nazaire…). « On est dans une zone où la gauche n’est pas hégémonique mais très largement majoritaire », résume Frédéric Dabi. Et l’ancrage des socialistes dans la région est profond puisqu’il remonte aux élections municipales de 1977, triomphales pour la gauche, qui avait alors fait basculer la Bretagne.
Le gouvernement devra aussi faire face au FN, qui compte bien gagner du terrain dans cette terre traditionnellement hostile à l’extrême droite. Marine Le Pen sera en déplacement samedi à Fougères (Ile-et-Vilaine). Son parti compte bien s’implanter autant que possible dans la région. Face à ce constat, un ministre breton s’agace : « Il faut arrêter de lier tous les événements à la montée du FN. On n’a pas découvert le FN aujourd’hui. » Frédéric Dabi relativise aussi la présence du parti de Marine Le Pen : « Le FN progresse dans quelques coins, notamment autour de Rennes. Mais ça reste une zone qui ne lui est pas favorable. »
Reste à savoir comment la colère des Bretons se traduira dans les urnes. « La déception va forcément engranger beaucoup d’abstentions », anticipe Jean-Jacques Monnier. Selon un sondage paru début octobre dans le JDD, 61% des Français sont d’abord guidés dans leur vote par les enjeux locaux. « La gauche ne risque pas grand-chose mais son recul serait symboliquement notable sur cette terre », nuance Frédéric Dabi. Ce qui pourrait, selon le sondeur, « maximiser le vote sanction dans les grandes villes ».
[Caroline Vigoureux – leJDD.fr vendredi 25 octobre 2013]

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