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production d’électricité : changement de paradigme

On disait dans les années 70 que depuis 1945, la production d’électricité française doublait tous les dix ans. J’ai voulu vérifier. Pas facile de trouver les chiffres sur internet*, j’ai rassemblé plusieurs sources d’informations pour reconstituer la production de la période 1945-2015 (la production 1955 est interpolée à partir de celles de 1950 et 1956, celle de 2015 est extrapolée).

(*) Il est difficile de connaître la production brute, c’est à dire déduction faite de la consommation des moyens de production et notamment l’énergie de pompage des STEP.

Production brute en TWh (1TWh = 1 000 000 000 KWh) de 1945 à 2015 :

1945-2015

Pour vérifier si la loi de progression exponentielle était exacte, je me suis basé sur la production de 1975 et j’ai calculé les productions tous les cinq ans, avec une loi de doublement tous les dix ans. Ce qui revient en fait à multiplier (ou à diviser) par 1,414… la production de la période précédente (suivante). L’histogramme bleu correspond aux valeurs de la production d’électricité de 1945 à 2015. L’histogramme rouge correspond à la loi de doublement tous les 10 ans.

HistogrammeElectricite

On voit bien que le modèle exponentiel colle assez bien avec la réalité de 1945 à 1985, le décrochage de la production débute vraiment à partir de 1990, et à partir de 2005, la production commence à diminuer.

centrale_cordemaisSi la production a connu un tel rythme de croissance, c’est au début en raison de l’effort de reconstruction de l’après guerre, la création d’EDF ayant permis de lancer un large programme de construction de centrales, hydrauliques et thermiques, et surtout de construire un réseau interconnecté. Puis la validation par le général de Gaulle du programme électronucléaire a permis de maintenir le rythme de croissance, les excédents de production que le marché français ne pouvait plus absorber étant exportés vers les autres pays européens, l’Allemagne essentiellement.

Un doublement de la production tous les dix ans, cela signifiait que sur chaque période de 10 ans, on installait autant de puissance qu’on en avait installé depuis le début de la production d’électricité. Pour y parvenir, les tranches de production thermiques voient leur puissance augmenter exponentiellement, on passe ainsi de 30MW à 60MW, 125MW, 250MW, 600MW, 700MW pour le thermique à flamme, puis 900MW, 1300MW, 1400MW et 2000MW (EPR de Flamanville) pour le nucléaire.

Pour assurer une telle croissance, envisager une production autre que nucléaire était impensable dans les années 1970. Mais il était évident que le doublement tous les dix ans de la production ne pouvait perdurer, c’est la légende de l’échiquier de Sissa (1 grain de riz sur la 1ère case, 2 sur la 2ème, 4 sur la 3ème…). Il était nécessaire de changer de paradigme.

EoliennesLe modèle de croissance change à partir des années 1980. Le ralentissement de l’économie, les économies d’énergie, et la crise ont eu raison du doublement décennal. Et on assiste depuis une dizaine d’années à une baisse de la production. Baisse qui est même devenue un objectif, un objectif de décroissance. Le gouvernement prône une baisse de la consommation et donc de la production, de 14% sur une période de 10 ans. Dans ce contexte, les énergies nouvelles, comme l’éolien, qui a vu la puissance de ses unités de production augmenter considérablement au cours de ces dernières années, deviennent une réalité et incarnent de plus en plus l’avenir de la production d’électricité. Le paradigme des 30 glorieuses c’était suivre et anticiper la consommation en augmentant les capacités de production, peu de moyens de production, mais très puissants et des lignes de transport de haute capacité. Le nouveau paradigme, c’est favoriser la baisse de la consommation grâce aux économies d’énergie, permettre la sortie progressive du nucléaire grâce aux énergies nouvelles, favoriser les productions décentralisées, l’habitat à basse consommation, voire à énergie positive. Un paradigme qui permet d’envisager avec optimisme l’avenir industriel de la production électrique.

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