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Les nouveaux brigadiers en pantoufles

voisins vigilantsInspiré de la politique anglo-saxonne “Neighborhood Watch”, le programme “voisins vigilants” initié par Claude Guéant, le ministre de l’intérieur de Nicolas Sarkozy, a été repris et développé par Manuel Valls, l’actuel locataire de la place Beauvau, qui a juste changé le nom, c’est devenu le “protocole participation citoyenne”.  Dans une circulaire du 22 juin 2011, l’ex-bras droit de Nicolas Sarkozy invitait les préfets à étendre cette politique : “Il s’agit de l’engagement des habitants d’une même aire géographique dans une démarche collective visant à accroître le niveau de sécurité du secteur”. C’est dans les communes rurales ou dans les zones pavillonnaires, où le taux de personnes âgées et de vote Front National sont élevés, qu’est mise en place cette pratique. Sur les territoires de gendarmerie, les maires peuvent créer des réseaux de “voisins vigilants”, qui comprennent des correspondants de rue et des coordinateurs. Ce sont souvent des personnes inactives en journées, des retraités, souvent de la police ou de la gendarmerie, qui souhaitent “protéger” leurs voisins des cambriolages et des violences de toutes sortes. Dès qu’il suspecte un fait inhabituel : une voiture qui repasse plusieurs fois dans la même rue, des démarcheurs un peu trop insistants ou même un flagrant délit, le correspondant de rue alerte le coordinateurs, qui lui-même appelle la gendarmerie. Un manuel indique les bons gestes : il faut connaître ses voisins, ne pas intervenir en cas de flagrant délit, signifier l’apparence des suspects (vêtements, couleur de peau, etc…), noter les plaques d’immatriculation des véhicules. Les quartiers où existe un tel dispositif sont indiqués à leur entrée par un panneau : fond jaune, œil grand ouvert, rappel de 1984 de George Orwell ! On vous regarde, on vous surveille, alors pas de comportement suspect !

La délibération visant à adopter le “protocole participation citoyenne” a été adoptée vendredi soir par le conseil municipal de Saint-Quay-Portrieux, avec seulement trois voix contre. La ville rejoint ainsi les quelques centaines de localités qui zieutent déjà leurs voisins. Un dispositif qui viendra en complément des nombreuses caméras de surveillance déjà installées sur la commune. Au sommet du dispositif, des citoyens “référents”,  désignés par la mairie, qui vont encadrer un réseau de citoyens vigilants, reconnaissables par l’œil collé sur leur boîte à lettres. L’œil mis à part, le dispositif rappelle celui adopté par la Stasi Est-Allemande pendant la guerre froide. Depuis les années 1940 et les nombreuses dénonciations de juifs ou de résistants, la délation n’avait plus la cote en France. Les choses changent…

brigadier en pantouflesLa tâche de ces brigadiers en pantoufles ? “Être à l’affût des activités suspectes et en informer promptement la gendarmerie.” La voiture bizarre qui passe, le type louche qui n’est pas du coin… “Si vous avez des soupçons, n’hésitez pas.” Des soupçons sur quoi, monsieur le Maréchal des logis chef ? Mais sur tout scrogneugneu ! “Le cambriolage, la violence conjugale, la fraude, la vente de produits stupéfiants.” Le “Guide des membres” précise même : “Celui qui dessine des graffitis sur les murs peut avoir commis ou commettra à l’avenir des délits bien plus graves.” Ce n’est pas du flicage, paraît-il, pas non plus une milice locale, mais une “participation citoyenne à la sécurité”. C’est joliment dit. Pour être efficaces, les guetteurs de rue ont à leur disposition des formulaires à cocher, des fiches d’identification à remplir, tout un arsenal pour “mieux connaître ses voisins” et “veiller à leurs intérêts”.

Une fois le “protocole participation citoyenne” signé avec la préfecture, les malfrats n’auront plus qu’à  bien se tenir. Et aussi le fumeur de joint qui tire une bouffée dehors, le mari volage qui sort du pavillon de sa maîtresse, le saisonnier qui bosse la nuit dans les serres, le chômeur qui n’a pas osé l’avouer aux copains, l’écolier qui sèche les cours. Autant de gestes épiés par douze apôtres. Ou douze salopards. C’est selon…

© compilation de sources venant notamment du canard enchaîné et du parti de gauche.

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