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Mort à jamais ? Qui peut le dire ?

« Mort à jamais ? Qui peut le dire ? (…) Tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure : il n’y a aucune raison, dans nos conditions de vie sur cette terre, pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l’artiste cultivé à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il suscitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Vermeer. Toutes ces obligations qui n’ont pas leur sanction dans la vie présente semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître sur cette terre, avant peut-être d’y retourner vivre sous l’empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi car nous en portions l’enseignement en nous, sans savoir qui les avait tracées… »

(Marcel Proust, A la Recherche du Temps Perdu, La Prisonnière, cité par F. Cheng dans « Cinq méditations sur la mort »)

Dédié à Thomas, merci MF de me l’avoir envoyé.

admin