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Faut payer le sel !

Cet article est un coup de gueule, ce n’est pas une analyse appuyée de la crise du monde agricole et de l’élevage, mais le comportement de certains éleveurs vis à vis du ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll et du président de la République, François Hollande, m’a profondément choqué. Si j’étais François Hollande, je boycotterais l’ouverture du prochain salon de l’agriculture, en 2017, et je me ferais représenter. Dommage qu’il ne soit pas resté un jour de plus en Amérique du Sud, ou que le Sarko One ne soit pas retombé en panne… 

HollandeVacheLa surface utilisée par l’agriculture en France est d’environ 29 millions d’hectares, soit plus de la moitié (54%) du territoire national. Les agriculteurs sont environ 1 million, sur 66 millions de Français. La surface utilisée par les terrains bâtis (maisons, immeubles, usines, bureaux, etc.), cet espace où vivent et travaillent les 65  millions de français non agriculteurs, ne représente que 0,9 millions d’hectares, soit 1,6% du territoire national. Les lois récentes en matière d’urbanisme imposent des terrains à bâtir de plus en plus petits, des coefficients d’occupation des sols de plus en plus élevés, des maisons tassées les unes contre les autres, sans vue, sans soleil, sans jardin, alors que les zones non constructibles réservés exclusivement à l’agriculture (et au littoral) ne cessent de s’étendre. Sans parler de la mise en jachère.

La majorité des gens préfère l’herbe au béton et l’aspiration légitime de beaucoup d’avoir un petit coin de jardin pour y établir un potager, quelques arbres fruitiers, voire quelques poules et lapins, en particulier pour les retraités est mise à mal par ces nouveaux règlements d’urbanisme. On imagine aussi que l’Etat ne voit pas d’un bon oeil l’auto production, car elle diminue le volume des échanges et échappe ainsi aux taxes. Pourtant, au niveau du bilan énergétique, faire pousser sa salade plutôt qu’acheter une laitue produite dans la région de Perpignan, cultivée dans une serre chauffée au fuel agricole détaxé, transportée en camion jusqu’à Rungis (gazole pas cher avec récupération de TVA) et acheminée encore en camion aux quatre coins de la France, jusqu’à chez vous, est catastrophique (un kilo de salade, entre le chauffage des serres et le transport, ça consomme plus d’un litre de fuel). A l’heure de la COP 21, faut-il à tout prix privilégier la production collective et de masse contre l’autoproduction ? Une poule, ça mange les déchets des repas, épluchures, coquilles d’oeufs, restes de toute sorte et de fait ça diminue le volume des déchets collectés par le service de ramassage des ordures. Sans parler du compost pour le potager et du bénéfice pour la santé du travail en plein air…

L’agriculture et l’élevage ne représentent que 1,6% du PIB, en revanche le secteur agricole bénéficie de subventions considérables de l’Europe, de la France, consomme plus de 70% de l’eau potable, est responsable des deux tiers de la pollution de l’eau potable, d’environ 25% des gaz à effet de serre, de la dégradation des sols, de la réduction de la biodiversité par la mise en danger voire l’extinction d’espèces animales et végétales…

Les agriculteurs et les éleveurs se plaignent sans arrêt, ce n’est pas nouveau (cf. sketch de Fernand Raynaud à la fin de l’article), j’ai entendu l’autre jour sur une radio nationale un éleveur se plaindre qu’il ne lui restait que 600€ à la fin du mois. 600€, ce n’est pas beaucoup, mais il comptait dans ses dépenses les achats de nourriture pour animaux, les salaires de ses ouvriers, ce qui est normal et… les remboursements de ses prêts. Combien de citadins, après avoir payé leurs impôts, leur loyer ou leur crédit immobilier,  leurs charges, leur voiture, etc. aimeraient bien pouvoir disposer de 600 € nets à la fin du mois ?! N’oublions pas que les agriculteurs et éleveurs sont logés dans leur exploitation et qu’ils ne paient pratiquement pas d’impôts fonciers (les bâtiments agricoles en sont exonérés), qu’ils peuvent cultiver des fruits et légumes, avoir quelques animaux de basse cour, du bois pour se chauffer, ce qui est impensable pour un citadin.

Les agriculteurs et éleveurs occupent la presque totalité du territoire, ils peuvent facilement bloquer le pays avec leurs gros tracteurs, ils n’hésitent pas à user de violence, en mettant à sac des locaux de l’administration, en déversant leur production ou des déjections animales devant les édifices publics, en brûlant des pneus, en allant jusquà molester et parfois même assassiner des inspecteurs et conseillers agricoles ! Ils ont pris à partie le ministre de l’agriculture à son domicile, ils ont insulté le Président de la République. Et maintenant, les pouvoirs publics vont céder à leurs revendications.

Sous la pression, l’Etat a déjà décidé de leur accorder des dégrèvements de charges et de taxes, qui sont déjà au plus bas, d’acheter leur surproduction, pour la stocker dans des chambres frigorifiques (pour la détruire en douce quand personne n’y prêtera attention), etc.

Dans les autres secteurs économiques, si le coût de production dépasse le prix de vente, l’industriel réoriente sa production vers des secteurs plus rentables, ou au pire (heureusement plus rarement) ferme son usine et licencie ses ouvriers. Et l’Etat ne fait rien la plupart du temps. Qu’aurait-t-on dit si l’Etat s’était engagé à racheter la production de pneus de l’usine Continental de Clairoix (Oise), pour les stocker dans des entrepôts, à racheter l’acier des hauts fourneaux de Florange, le thé Lipton et les infusions Eléphant de Gémenos ?

Pourquoi l’agriculture et l’élevage bénéficient-ils de tant d’aides et de sollicitude ? Pourquoi vouloir soutenir à tout prix le secteur le plus pollueur du pays ? Le secteur qui a confisqué plus de la moitié du territoire. Par peur de manquer de nourriture ? Ou parce que la raison du plus fort est toujours la meilleure ?

Quand un pan de l’industrie disparaît, il est très difficile de le recréer, de réindustrialiser (textile, cycles, électronique…). Si on devait arrêter de cultiver du blé ou d’élever des poulets, il ne faudrait pas bien longtemps pour ensemencer des champs ou faire naître des poussins.

Pour ce qui est du porc, le gouvernement a décidé d’interdire d’en vendre aux Russes (vous savez ce que je pense de cette décision), il est pratiquement banni des cantines scolaires et de plus en plus des restaurants d’entreprises, le gras de porc omniprésent dans les plats cuisinés n’est pas bon pour la santé… Les médecins recommandent d’éviter de consommer de la charcuterie. Et qui plus est, les Allemands, gros consommateurs, ont des coûts de productions inférieurs aux nôtres.

cochon-basquePourtant, comme “dans le cochon, tout est bon” et c’est bien vrai, j’entrevois une solution pour booster la filière porcine : diminuer la production (reconversion des éleveurs), améliorer la qualité, promouvoir les appellations, les labels, le porc label rouge, par exemple, améliorer la traçabilité, savoir d’ou vient la viande, quelle est sa race, il y a paraît-il 350 races de porc sur la terre (pourquoi ne l’indique-t-on pas pour le porc comme pour le bœuf ?), promouvoir les abattoirs qui ne font pas souffrir les animaux ! Bref, se battre sur la qualité et l’éthique plutôt que sur les prix, je pense notamment aux volailles de Bresse, aux vins fins.

Je ne prétends aucunement être un expert agricole, mais ça m’énerve de voir des gens galérer dans des boulots mal payés, passer deux heures par jour dans les transports, payer des loyers scandaleusement élevés et n’avoir droit à aucune considération parce qu’ils ne sont pas en mesure de bloquer le pays ou trop faibles pour manifester leur colère.

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