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Et pourquoi pas Sant-Ke-Porzh-Olued ?

landudecVous avez sans doute remarqué, qu’à l’ouest de Saint-Quay-Portrieux, à partir de Plouha, les noms de lieux se déclinent sur deux lignes, en haut le nom français et juste en dessous le nom breton. Ça permet à l’automobiliste de savoir qu’il entre en Bretagne bretonnante, dans la partie de Bretagne où on parlait autrefois le breton, c’est chic pour le tourisme, mais ça ne sert pas à grand chose d’autre, car depuis les années 1980, 100% des locuteurs bretons parlent couramment le Français. Beaucoup de communes portent le même nom en français et en breton, comme Brest, c’est embêtant, on ne peut pas répéter le même mot sur la deuxième ligne. Alors pour les autres communes, on change une lettre, un peu au pif, on remplace un e par un i, un i par un e, un c par un g, un y par un i, un c par un k, un ch par un k, un s par un z, on enlève un tréma… la liste est longue. Et la plupart du temps ça se prononce pareil. Le pompon revient incontestablement à la commune de Kergrist-Moëlou, qui s’écrit en breton sans tréma : Kergrist-Moelou. kergrist-moelouC’est l’Office de la Langue bretonne à qui on a confié le soin de retrouver ou d’inventer des orthographes qui fleurent bon le breton. C’est particulièrement cocasse en pays gallo où on n’a jamais parlé le breton et où il a fallu faire preuve d’imagination. J’ai souvent trouvé cet habillage toponymique artificiel, mais comme hélas “Ne gomzan ket brezhoneg !”, je n’osais pas le dire. Je pensais que tous les Bretons se sentaient fiers de voir le nom de leur commune écrit dans la langue de leurs aïeux. Mais en parcourant le web, j’ai compris que la signalisation bilingue était loin de faire l’unanimité en Bretagne, je vous invite à lire l’article de Françoise Morvan intitulé “Violence toponymique en Bretagne” et à consulter le site de l’association d’opposition à la signalétique bilingue en pays gallo.

Pour le Sud Goëlo/Su-Goueloù, voici le nom des communes en français et en breton :
Binic/Binig, Étables-sur-Mer/Staol, Lantic/Lannidig, Plourhan/Plourc’han, Saint-Quay-Portrieux/Sant-Ke-Porzh-Olued et Tréveneuc/Treveneg. Staol pour Étables-sur-Mer, ça ne dit rien à personne, staol en breton désigne une étable, ça vient du latin, comme le mot français stabulation. Quitte à mettre un deuxième nom pour Etables, j’aurais choisi “Tagar”, puisque les habitants d’Étables-sur-Mer sont communément appelés les “Tagarins”. Tagar, ça a une autre allure que Staol1, non ?
(1) Staol désigne l’acier, en Limbourgeois, une langue du groupe germano-néerlandais.

perpignanIl n’y a pas qu’en Bretagne que fleurissent ces panneaux bilingues, ça a tendance à se répandre partout en France, et c’est une source de polémique dans les régions concernées. Ailleurs dans le monde, dans les pays qui n’utilisent pas l’alphabet latin, comme la Chine, les pays arabes, la Russie, etc., le double affichage permet aux étrangers non locuteurs de comprendre les indications routières. Mais dans certains pays, le double ou triple affichage est plus politique qu’informatif, comme dans la communauté amérindienne cri de Mistissini, au Canada, ou dans le sud marocain, avec un triple affichage arabe, tifinagh et français, les cris pas plus que les berbères ne savent lire leur propre langue, une langue orale.

Road65-Freeway7
IRAN (© Wiki)
Mistassini_roadsign
CANADA (© Wiki)
P1020707R
MAROC (© Denis Roques)

La prochaine fois que j’irai à Plouha, je prendrai une photo du panneau Saint-Quay-Portrieux bilingue. Verra-t-on un jour chez nous un panneau Saint-Quay-Portrieux/Sant-Ke-Porzh-Olued ?

admin