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Compteur Linky : sa facture quintuple en un an, elle porte plainte

L’information, relayée par de nombreux médias m’a fait sursauter :

“Gilberte MOREL, une habitante d’Arras, dans le Pas-de-Calais, a attaqué ENEDIS pour surfacturation abusive alors que sa facture est passée de 100 à 500 euros par an.”

L’article explique que cette dame a vu passer a facture d’électricité de 100 € à 500 € par an.

Le tarif le moins cher pour un abonnement d’électricité, correspondant à une puissance de 3kVA (ce n’est pas suffisant ) est de 97,63 € par an, mais cette puissance étant insuffisante pour faire fonctionner les appareils électroménagers courants, ce type d’abonnement est plutôt réservé à l’alimentation d’un petit local : garage, bureau, annexes, ou à l’éclairage de parties communes d’un immeuble.   Si cette dame ne payait que 100€ d’électricité par an, c’est que son ancien compteur ne tournait pas, soit parce qu’il avait été trafiqué, soit parce qu’il était tombé en panne. Il est plus vraisemblable que la dame avait souscrit un abonnement 6kVA au prix annuel de 119,72€.

Considérons une facture de 500 € par an, déduisons 120 € pour l’abonnement, il reste 380 €, ce qui compte tenu du prix de l’électricité de 0,1524 €/kWH, correspond à une consommation de 380 / 0,1524 = 2493 kWh / an.

Je fais l’hypothèse que Gilberte ne se chauffe pas à l’électricité.

Mais elle a peut-être un réfrigérateur, un poste de télévision, un lave linge, un chauffe eau électrique et elle s’éclaire certainement à l’électricité.

– un vieux réfrigérateur consomme environ 500 kWH par an

– un four électrique 2 x 1,5 heures / semaine : 100 kWh

– une table de cuisson 30 minutes par jour à mi-puisance (1000W) : 260 kWh

– une hotte (30 minutes/ jour) : 20 kWh

– un chauffe eau utilisé par une seule personne consomme au moins 1000 kWh / an

– un ancien lave linge consomme environ 200 kWh / an

– un fer à repasser (1 personne) : 100 kWh / an

– un aspirateur (2h par semaine) : 50 kWh / an

– un poste de télévision consomme 100 watts, comme Gilberte est seule, elle doit le laisser allumé même quand elle ne le regarde pas, pour sentir une présence. 6 heures par jour x 0,1 kW x 365 = 219 kWh / an arrondit à 220 kWh

– un éclairage avec ampoules à incandescence consomme environ 700 kWh par an*

(*) un lustre équipé de 6 ampoules de 40 watts ou un lustre équipé de 4 ampoules de 60 watts allumé en moyenne 4 heures par jour consomme à lui seul 350 kWh / an

– tous les appareils en veille (1 personne) : 100 kWh

En additionnant tous les postes ci-dessus, on arrive à 3220 kWh à comparer aux 2493 kWh calculés plus haut.

Si Gilberte n’a pas de chauffe-eau électrique on retire 1000 kWh, ce qui nous ramène à 2220 kWh.

2220 kWh x 0,1524 € / kWh = 338,33 € de consommations + 119,72 € d’abonnement = 458,05 €

La consommation de Gilberte est donc tout à fait normale.

Les associations anti-linky, toujours prêtes à relever les défis, n’ont pas pris la peine de faire ce raisonnement, pas plus que le organes de presse qui ont relayé l’information sans l’analyser.

La réclamation de Gilberte Morel me semble injustifiée, elle devrait se satisfaire de n’avoir pas payé sa consommation d’électricité pendant de nombreuses années, de son côté le fournisseur d’électricité serait en droit de réclamer un arriéré, on verra ce que dira le tribunal…

Alors que j’écrivais cet article, une amie m’a raconté qu’une de ses collègues de travail avait un jour quitté le bureau à toute vitesse car elle venait de réaliser que c’était le jour de passage du releveur EDF et elle avait oublié d’enlever le ticket de métro qui empêchait le compteur de tourner.

PS : Juste après avoir publié cet article, je découvre une fine analyse de BFM sur ce même sujet (voir ci-après).

L’article de Capital :

Cela fait plus de deux ans que Gilberte Morel, habitante de la commune d’Arras, dans le Pas-de-Calais, se bat contre Enedis. En février 2017, la société française change le vieux compteur de la retraitée de 85 ans pour lui installer un Linky nouvelle génération, raconte La Voix du Nord. Une intervention à laquelle ne s’oppose pas Gilberte Morel, mais qui lui apporte une mauvaise surprise : avec le nouveau compteur vert*, sa facture d’électricité, qui oscillait autour des 100 euros par an, atteint les 500 euros.

(*) NDLR : le compteur Linky est jaune, pas vert !

Une situation que ne comprend pas l’Arrageoise qui refuse de payer la facture. S’ensuivent de nombreux échanges avec EDF. Après relances et huissiers, le fournisseur demande à Enedis de couper l’électricité de la retraitée. Une demande mise en œuvre le 9 août 2018. Face à cette situation, deux collectifs, l’ACCAD (Anti compteurs communicants Artois-Douaisis) et CALGEA62 (Collectif avionnais anti Linky gaz et eau) sont venus à la rescousse de Gilberte Morel.

87 jours sans électricité
Sous leur pression et après 87 jours de coupure, l’électricité est remise à la retraitée le 4 novembre 2018, à l’approche de la trêve hivernale. Pour autant, le conflit entre le fournisseur EDF, l’installeur Enedis et la cliente Gilberte Morel se poursuit et cette dernière a porté l’affaire en justice pour surfacturation abusive. L’audience s’est tenue le 4 octobre.

Pour défendre l’augmentation soudaine de la facture de l’Arrageoise, Enedis a expliqué qu’avant 2017 l’ancien compteur ne donnait pas la réalité de la consommation, explique La Voix du Nord, même si aucun agent n’a relevé un problème et que la retraitée n’a pas changé ses habitudes de consommation. Des arguments rejetés en bloc par l’ACCAD et CALGEA62 qui accompagnent Gilberte Morel dans sa démarche. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 22 novembre prochain.

https://www.capital.fr/lifestyle/compteur-linky-sa-facture-quintuple-en-un-an-elle-porte-plainte-1352067

L’article de BFM :

A Arras, Gilberte Morel, 85 ans, a vu sa facture annuelle d’électricité passer de 100 à 500 euros depuis l’installation d’un compteur Linky. Elle refuse de payer et attaque EDF en justice pour une surfacturation abusive, mettant en cause le compteur connecté. Selon Enedis, son ancien compteur ne fonctionnait plus depuis 10 ans.
Un compteur Linky a-t-il fait quintupler la facture d’électricité de Gilberte Morel en la faisant passer de 100 à 500 euros par an? C’est ce que pense cette retraitée de 85 ans vivant dans le Pas-de-Calais. Elle considère être victime d’une facturation abusive et a attaqué en justice EDF, son fournisseur d’énergie. Le procès dans lequel Enedis a apporté son expertise technique, a eu lieu le 4 octobre à Arras.

L’affaire démarre en 2017, lorsque son ancien compteur a été remplacé par un compteur Linky. A réception de sa première facture, elle se rend compte que la facture a explosé. Gilberte Morel refuse de payer, comme le rapporte la Voix du Nord. En août 2018, EDF lui coupe l’électricité pour la lui remettre en novembre, juste avant la trêve hivernale grâce à l’appui de ses proches et de deux collectifs, l’Accad (Anti compteurs communicants Artois-Douaisis) et CalgeA62 (Collectif avionnais anti Linky gaz et eau).

Lors du procès, le fournisseur d’énergie affirme qu’il n’y a eu ni abus, ni erreur et encore moins un dysfonctionnement du nouveau compteur. EDF estime qu’il n’y a que deux explications. Soit la retraité a changé ses habitudes de consommation, soit le précédent compteur avait été trafiqué. Ni l’un ni l’autre, affirme la retraitée, choquée par ces accusations.

« Etre traitée comme ça à mon âge alors que je n’ai jamais triché… […] Ils m’ont dit : « Vous avez manipulé votre compteur. Ça fait au moins dix ans que vous trichez », a expliqué Gilberte Morel à France 3 Régions.

Elle est soutenue par le collectif Accad qui note que rien ne peut prouver cette accusation « d’autant que le compteur ancien n’est déjà plus en leur possession! »

« La juste mesure de sa consommation réelle »
Pour Enedis, cette accusation de tricherie n’a pas lieu d’être. « On s’inscrit en faux pour la fraude », nous a indiqué une porte-parole. »Nous penchons plutôt pour un dysfonctionnement progressif du vieux compteur que ni EDF ni Enedis n’a pu pas détecter, mais qui n’est pas de la responsabilité de madame Morel ». Enedis signale même qu’aucun arriéré ne lui a été demandé pour l’électricité non mesurée par l’ancien compteur pendant des années.

« Le montant payé par cette dame depuis 10 ans [100 euros par an, NDLR] équivaut au tarif de l’abonnement le plus bas (3 kVA), mais sans la consommation d’électricité. Le nouveau compteur donne seulement la juste mesure de sa consommation réelle », affirme Enedis en rappelant que la plaignante « était en droit de demander une expertise du nouveau compteur, ce qu’elle n’a pas fait ».

À lire : Linky: pourquoi tant de haine?
Nous avons vérifié les consommations moyennes d’électricité sur le site Selectra, un comparateur indépendant des fournisseurs d’électricité et de gaz. Pour un petit logement dont les occupants cherchent à faire des économies, la facture annuelle s’élève à 317 euros. Selectra explique que ce tarif est « hors chauffage, eau chaude et cuisson, l’électricité n’est donc utilisée que pour les appareils électroménagers, informatiques, HI-FI et pour l’éclairage ».

Il est possible de faire moins en utilisant de l’électricité pour l’éclairage (107 euros/an, 729 kWh), la télévision (47 euros/an, 324 kWh) et un réfrigérateur (38 euros/an, 259 kWh). Ainsi, la facture annuelle s’élèvera à seulement 192 euros, une somme à laquelle il faut de toute façon ajouter le prix de l’abonnement, soit une 97,63 euros pour le forfait le plus bas chez EDF de 3 kVA, soit deux fois ce que payait l’octogénaire.

En attendant, Gilberte Morel est devenue un nouveau porte-étendard des anti-Linky qui, après les émissions d’ondes, les explosions et les incendies, ont un nouvel argument dans leur combat contre le compteur connecté d’Enedis. Toutes ces accusations ont été retoquées une à une par des organismes spécialisés. Et si le problème du Linky était de soulever le coût de l’électricité? Un sujet d’autant plus sensible qu’après deux hausses cette année, une nouvelle augmentation est envisagée début 2020.

C’est ce que soutien Aude Daniéli, doctorante à l’École des Ponts Paristech, qui a consacré sa thèse de doctorat sur la controverse Linky. Selon elle, le compteur intelligent a activé la crainte d’avoir à payer plus qu’avec les vieux modèles qui sous-estiment la consommation ou qui ont pu être trafiqué. Si l’opération est à la portée de tous, des méthodes sont expliquées sur de nombreux sites, elle peut coûter cher: 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.

Pour Enedis et EDF, la décision du juge est donc cruciale. Que se passera-t-il si la plaignante obtient gain de cause? Va-t-elle continuer à payer 100 euros par an abonnement compris? Et si elle perd, devra-t-elle s’acquitter de ce qu’elle doit depuis la pose du compteur Linky en 2017 quitte à la mettre en difficulté financière? Le verdict de ce procès sera rendu le 22 novembre. Un jugement bien plus délicat que ceux rendus sur l’électrosensibilité qui sont allés à l’encontre des preuves scientifiques.

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